Maison Villeneuve, CHRS

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Retrouvez l'exposition dans le Hors-série Le Travail Social en photo dans le quinzomadaire Lien Social - Décembre 2023

“On ne sauve pas les gens”. Voici la 1ère chose que l’on m’a dite. Ici, pas d'idéalisation. On travaille avec eux et à leur rythme uniquement.

Jean vient d’abord chercher sa bière au bureau. Ensuite seulement, il accepte de me raconter son histoire. Ilidio est constamment hilare et en agace parfois plus d’un. Maurice, ancien photographe, est le doyen de la maison. Il dit qu’il va bientôt rentrer chez lui. Ludovic et Maurice ont une grande amitié, l’un et l’autre se considèrent comme des “jumeaux”. Faride a un immense sourire, il aide toujours à la cuisine et réalise d’immenses puzzles. Christine est une ancienne infirmière psychiatrique, elle peignait à une époque. Amar a une guitare électrique même s’il ne sait pas en jouer, mais c’est parce qu' il est fan de Johnny Hallyday, tandis qu’Alain joue parfaitement de la guitare, même s’il lui manque quelques cordes. Il a construit un nichoir qu’il a posé au bord de sa fenêtre. Christophe a de nombreuses broches en métal à sa jambe gauche, due à une chute en moto. Sa jambe ne guérit pas depuis des années. Lucien a récemment pris la décision d’arrêter de fumer, il s’aide avec des patchs. Oscar est portugais et ne parle pas un mot de français, et Miloud se sent bien dehors, il marche beaucoup. Dehors, c'est une grande bouffée d’oxygène.

Maurice, Christophe, Ilidio, Christiane, Miloud, Jean, Alain, Faride, Oscar, Ludovic, Lucien et Amar sont les douze pensionnaires du Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale de la Maison Villeneuve à Saint-Alban-Leysse, géré par l'association "La Sasson". Ce qui les lie ? L’alcoolisme. Ils ont entre 45 et 85 ans et certains sont là depuis plus de 8 ans. Le stock de bières ou de vin rouge est dans le bureau des éducateurs spécialisés. C’est ensemble qu’ils travaillent à réguler leur consommation.

Je suis Juliette Pronchery, photographe indépendante en Savoie. Depuis un an, je m’interroge au sujet de l’exclusion sociale et de la précarité. Pour répondre à mes questions, je suis partie à la rencontre des travailleurs sociaux. CER, CADA, CHRS, ESAT, CPH, CMP ou encore AAH, MDPH, SIAO, CDAPH... Autant d’acronymes sans visage qui déferlent pour parler des plus fragiles. Pour se raccrocher au réel, il fallait quitter le monstre administratif et me plonger, avec eux, dans leur quotidien.

Chercher la rencontre, comprendre et écouter, agir sur les représentations, montrer ceux que l’on ne voit pas, tel est le rôle du travailleur de l’image comme je le conçois et vous le présente aujourd’hui.

"CHRS", 2023